Genova per lui

di Iris Berger Peillon

C’est à Gênes, dans la cité des Doria, que nait Edoardo Sanguineti, le 9 décembre 1930. Cette année-là, en mars, en pleine guerre coloniale, eut lieu le Grand Prix automobile de Tripoli, non loin des treize camps de concentration, autour des cent mille libyens morts de mauvais traitements, et ce, sans beaucoup de bruit.

Deux autres mauvaises nouvelles : tremblement de terre de l’Irpinia, deux mille morts ; et pire encore, victoire de Milan devant la Genoa dans le championnat de foot italien, pour deux malheureux points… Comment ne pas être rebelle quand on nait sous de telles étoiles ? 

Sanguineti est un grand révolté, un grand indigné et un grand révolutionnaire. Sa naissance dans ce contexte, son caractère intrépide, son éducation, son génie, un peu tout et encore autre chose l’ont porté à bouleverser le paysage littéraire. Ainsi, par l’hybridation des genres, des registres et des langages, il a anticipé les expressions les plus intéressantes de l’esthétique contemporaine. Tout au long de sa vie il a défendu et maintenu l’expérimentation littéraire et linguistique, la faisant évoluer en résonance avec le monde et ses transformations. 

Le Génois a travaillé tous les genres littéraires et artistiques : romans, nouvelles, pièces de théâtre, essais, articles, poèmes, travestissements, anthologie et … un guide, un guide de Gênes ! En 2005, à l’âge de 75 ans, Sanguineti publie ce qu’il définit comme la « mini-esquisse d’un mini-fragment d’un mini-guide », une balade poétique et intime dans sa ville natale.

Soulignons néanmoins que s’il y fait ses premiers pas, Sanguineti ne reste pas longtemps dans la capitale ligure. En 1934 sa famille emménage à Turin où il demeurera jusqu’à ses 28 ans et où il obtiendra un doctorat de littérature avant de partir pour enseigner à Salerne. Ce n’est qu’à l’âge de 35 ans qu’il retournera à Gênes et y restera jusqu’à sa mort, le 18 mai 2010. Il y revient donc tardivement mais s’y investit totalement, notamment au niveau politique : il sera conseiller municipal de 1976 à 1981.

Dès les premières lignes du « mini-guide », Genova per me, il nous explique : 

“Ma véritable Genova n’est pas celle d’aujourd’hui, de mes années mûres et séniles, mais c’est, fatalement, celle enfouie dans l’inconscient profond et lointain de ma petite enfance. Tout geste auto-analytique, la psychanalyse le prouve précisément, est archéologie du « Ça ». Et donc ce qui compte, qui doit compter, pour moi comme pour tout le monde, c’est l’époque informe d’un moi très faible et pulsionnel, libidinal et polymorphe. Ce sont les premiers souvenirs, pour la plupart réajustés ou reconstruits, à partir d’anciens récits tiers, quand ils ne sont pas inventés de toutes pièces.”

“La mia vera Genova non è questa d’ oggidì, degli anni miei maturi e senili, ma è, fatalmente, quella sepolta nel profondo e remoto inconscio della mia minima puerizia. Ogni gesto autoanalitico, teste la psicoanalisi appunto, è archeologia dell’Es. E dunque quelli che contano, che devono contare, per me come per tutti, sono i tempi informi di un io debolissimo e pulsionale, libidico e polimorfo. Sono le rimembranze prime, per lo più riaggiustate o rifabbricate, muovendo da tardi racconti altrui, quando non inventate di sana pianta.” 

Sanguineti nous offre donc une Genova intime, celle dont on se souvient peu clairement, enfouie dans les plis du temps, celle que l’on raconte à des amis très proches ou sur un divan, puis il nous raconte celle qu’il a retrouvée, longtemps après, et, dans une sorte d’autoanalyse, il essaie de faire le lien entre la fantasmée et l’actuelle, de les rapprocher. Il nous livre sa vision de la ville, ce qu’il en reste, ses recoins, ses palais, ses jardins, ses histoires… Il nous entraine à travers les rues, au milieu des places, dans les parcs et nous fait longer la mer. Il nous offre une partie de lui, de son enfance, ses peurs, ses joies, ses rêves, un parfum de ce qu’il arrive à entendre de son inconscient. Il partage l’intime. Le touriste pourra visiter les lieux mais aussi imaginer des humeurs, des sensations. Le récit d’une ville à travers les yeux d’un très jeune enfant où s’entremêlent des anecdotes plus récentes, des moments de légèreté et des révélations douloureuses. Les poèmes sont là pour fixer ces moments, ces souvenirs. Des poèmes dont, pour la première fois, il nous livre la genèse.

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